Suzanne Valadon, La Chambre bleue, 1923, Huile sur toile, 90 × 116 cm, Don Joseph Duveen, 1926, Paris, Centre Pompidou, Musée national d’art moderne, LUX.1506 P, en dépôt au musée des Beaux-Arts de Limoges, Crédit Photo : Centre Pompidou, MNAM-CCI/Jacqueline Hyde/ Dist. GrandPalaisRmn
Le Centre Pompidou consacre une exposition monographique exceptionnelle à Suzanne Valadon (1865-1938), une artiste qui a redéfini les conventions artistiques de son époque. Intitulée simplement Suzanne Valadon, cette exposition, présentée jusqu’au 26 mai 2025, offre une plongée dans l’univers d’une créatrice audacieuse et visionnaire, souvent restée à la marge des courants dominants comme le cubisme ou l’art abstrait.
Un regard féminin sur le nu
Suzanne Valadon est l’une des premières femmes à s’approprier un sujet longtemps réservé aux hommes : le nu. Ses peintures et dessins, loin de se conformer aux standards académiques, dépeignent les corps avec une sincérité brute, sans voyeurisme ni artifice. En 1909, son tableau Adam et Ève bouleverse les conventions en représentant un nu masculin de face — une audace inédite à l’époque. Cette œuvre, comme beaucoup d’autres, traduit son envie de peindre la vérité des corps, loin des idéalisations souvent imposées par le regard masculin.
Mais l’audace de Valadon ne se limite pas à ses choix thématiques. Ses nus féminins, réalisés au fusain, à la mine graphite ou à la sanguine, montrent des femmes actives, souvent saisies dans des moments de leur vie quotidienne : la toilette, le bain, ou encore des scènes de ménage. Ces dessins, marqués par un trait incisif, captent l’âme de ses sujets avec une intensité rare.
Une exposition riche et immersive
L’exposition présente près de 200 œuvres, dont des peintures, des dessins et des archives. Issues des collections du Centre Pompidou, du musée d’Orsay, de l’Orangerie et de prêts prestigieux comme ceux du Metropolitan Museum of Art, ces pièces illustrent l’étendue et la richesse de son travail.
Le parcours est organisé autour de plusieurs sections thématiques, notamment Le nu : un regard féminin, Portraits de famille et Apprendre par l’observation. Il permet de découvrir les différentes facettes de Valadon, de ses premières esquisses à son style affirmé des années 1920. L’accent est également mis sur son œuvre graphique, souvent sous-estimée, grâce à la présentation de nombreux dessins rarement exposés.

Suzanne Valadon Trois nus, 1920 Crayon gras sur papier, 55 x 44 cm Collection Galerie de la Présidence Photo © Galerie de la Présidence, Paris

Suzanne Valadon Nu assis sur un canapé, 1916 Huile sur toile, 81,4 × 60,4 cm Weisman & Michel Collection - Photo © Christopher Fay

Suzanne Valadon Marie Coca et sa fille Gilberte,1913 Huile sur toile, 162 × 129,5 cm Lyon, musée des Beaux-Arts 1935-51 Crédit Image © Lyon MBA - Photo Alain Basset

Suzanne Valadon Les Deux Soeurs, 1928 Huile sur toile, 72 × 53 cm Collection particulière - Photo © Matthew Hollow

Suzanne Valadon La Petite Fille au miroir, 1909 Huile sur toile, 104,3 × 74,5 cm Collection d’Emelia Wilson, MA History of Art, Courtauld Institute of Art Photo © Christie’s Images / Bridgeman Images

Suzanne Valadon Catherine nue allongée sur une peau de panthère, 1923 Huile sur toile, 64,6 × 91,8 cm Lucien Arkas Collection Photo © Hadiye Cangokce
Une artiste à contre-courant
Née dans un milieu modeste, Valadon commence sa carrière comme modèle pour des peintres célèbres tels que Renoir et Toulouse-Lautrec. Mais elle observe, apprend et, soutenue par Edgar Degas, se lance dans la création. Son approche artistique, marquée par une liberté de ton et une indépendance farouche, fait d’elle une figure à part dans l’histoire de l’art. Refusant de s’inscrire dans un courant précis, elle trace sa propre voie, entre figuration et modernité.
Une reconnaissance tardive
Bien que célèbre de son vivant, Suzanne Valadon a longtemps été marginalisée dans les grandes narrations de l’histoire de l’art. Cette exposition répare cette injustice en célébrant une artiste qui, par son audace et sa sincérité, a ouvert la voie à une représentation authentique des corps et des âmes. En redécouvrant son travail, le public est invité à réfléchir sur les conventions encore présentes dans notre manière de percevoir l’art.
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