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Manifestation d’étudiants tibetains devant le musee Guimet, à Paris, France. © Photo Maeva Destombes/Hans Lucas 

Depuis quelques mois, un véritable débat fait rage autour de la modification des étiquettes et descriptions des objets tibétains dans deux grands musées parisiens : le Musée du Quai Branly-Jacques Chirac et le Musée national des arts asiatiques-Guimet, tous deux reconnus pour leur riche collection d’art asiatique. Ce qui a provoqué la polémique ? L’usage du terme « Xizang » pour désigner le Tibet et la transformation de l’espace consacré à l’art tibétain en « Monde himalayen » au Musée Guimet, ce qui a été perçu comme un effacement de la culture tibétaine et une soumission à la pression du gouvernement chinois.

Un contexte de tensions géopolitiques

Pour comprendre l’ampleur de cette controverse, il faut remonter aux relations tendues entre la Chine et le Tibet. Depuis l’annexion du Tibet par la Chine en 1950, Pékin tente de réécrire l’histoire de cette région en la présentant comme une partie intégrante de la Chine. Cette révision historique ne s’arrête pas aux frontières du Tibet. Elle s’étend à la culture tibétaine à travers des efforts de « sinisation », c’est-à-dire une intégration forcée de la culture tibétaine dans la culture chinoise dominante.

Dans ce cadre, le terme « Xizang », utilisé pour désigner le Tibet en chinois, est une composante clé de cette stratégie. Pour Pékin, imposer l’usage de ce terme dans les institutions culturelles internationales renforce l’idée que le Tibet fait partie de la Chine depuis toujours. C’est dans ce contexte que les modifications apportées par les musées parisiens ont déclenché l’ire des défenseurs de la culture tibétaine, qui y voient une forme de complicité avec cette réécriture de l’histoire.

Des musées sous pression

Le Musée du Quai Branly et le Musée Guimet, en raison de leurs importantes collections d’art asiatique, sont des lieux de diffusion culturelle majeurs. C’est précisément cette position qui les rend vulnérables aux pressions diplomatiques. Le gouvernement chinois exerce une influence croissante sur les institutions culturelles occidentales, notamment en France, et la gestion des collections tibétaines en est un exemple frappant.

Les deux musées ont initialement adopté des termes vagues ou alternatifs pour désigner le Tibet. Le Musée Guimet, par exemple, a rebaptisé son espace consacré à l’art tibétain « Monde himalayen » tandis que le Musée du Quai Branly utilisait « Xizang » dans ses étiquettes. Ces changements ont été perçus comme une façon de « diluer » l’identité tibétaine, tout en répondant aux desiderata de Pékin.

Cependant, après la pression exercée par des experts et la communauté tibétaine, le Musée du Quai Branly a rapidement fait marche arrière, reconnaissant une « maladresse » et s’engageant à retirer le terme « Xizang » pour rétablir la mention de « Tibet ». Le Musée Guimet, de son côté, fait encore face à des critiques pour son choix d’une terminologie plus neutre.

Manifestions disparition "tibet"

© Photos Maeva Destombes/Hans Lucas

La réaction des tibétains et des chercheurs

La modification du terme « Tibet » dans les musées parisiens a immédiatement déclenché des protestations. Non seulement en France, mais également à l’international, au sein de la communauté tibétaine. Le président du gouvernement tibétain en exil, Penpa Tsering, a exprimé sa profonde déception. Il accuse ces musées de complicité avec les efforts chinois pour effacer l’identité tibétaine. De plus, plus de 700 Tibétains et militants ont manifesté à Paris, brandissant des pancartes contre la « sinisation » de leur histoire.

En parallèle, 20 tibétologues et sinologues français ont signé une tribune dans Le Monde. Ils dénoncent la soumission de ces musées aux diktats chinois. Selon eux, ce choix menace l’intégrité des collections et encourage une réécriture historique.

L’art, terrain de diplomatie

Cette affaire pose une question plus large : l’influence de la diplomatie sur les musées. Ces derniers, garants du patrimoine, se trouvent parfois pris au milieu de pressions géopolitiques. Certains défendent ces changements comme une nécessité pour maintenir de bonnes relations avec la Chine. D’autres, au contraire, y voient une menace pour l’indépendance culturelle et la vérité historique.

Une controverse qui résonne au-delà de Paris

Cette situation rappelle d’autres polémiques dans l’art, où des choix terminologiques ont suscité des débats sur la souveraineté culturelle. Le fait que cette affaire concerne deux grands musées parisiens montre à quel point la culture devient un enjeu dans les relations internationales.

Une identité en péril ?

Au-delà de la politique, cette controverse souligne l’importance des mots dans la transmission de la culture. En renonçant à désigner directement le Tibet, ces musées ont contribué, volontairement ou non, à l’effacement symbolique de cette identité. Cela montre aussi l’importance pour les institutions culturelles de rester indépendantes face aux pressions extérieures, et de protéger leur mission : préserver l’histoire et la diversité culturelle.

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